Dérogations à l'accessibilité: le coup de gueule des assoc !

Le Sénat en adopté le 28 juin 2011 un amendement qui assouplit les impératifs d'accessibilité dans les bâtiments neufs. Pour les associations de personnes handicapées, c'est la " liquidation " de la loi de 2005 qui est en marche...

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Amendements et mesures de substitution, mais jusqu'où ira-t-on ? C'est évidemment la préoccupation des associations de personnes handicapées aujourd'hui. Le mot qui revient dans toutes les bouches, c'est « détricotage ». Détricotage de la loi de 2005 qui garantit, notamment, l'accessibilité des bâtiments publics à tous d'ici 2015. A quatre ans de l'échéance, la situation est catastrophique. Seuls les utopistes se prêtent encore à rêver d'une France totalement accessible. Chaque menace de dérogation ou de compromission avec la loi devient explosive. Les associations sont sur le pied de guerre chassant les renégats de l'accessibilité avec ferveur.

Entrave à la liberté de circuler ?

Il est vrai que, maille par maille, on accorde une dérogation à une résidence temporaire, à un centre de logements pour étudiants, à un bâtiment historique réputé intransformable... Oui une forteresse médiévale ne sera peut-être jamais assaillie par une horde de fauteuils roulants, oui un centre de vacances n'a peut-être pas besoin que tous ses bungalows soient accessibles, oui au prix du mètre carré dans l'immobilier toutes les salles de bain des logements étudiants ne peuvent pas être aussi spacieuses... On ne peut pas le nier, il y a parfois des contraintes spatiales, notamment dans les grandes villes, et surtout financières, qui cristallisent le grand écart qui existe entre le désirable et le réalisable. Mais renoncer au fur et à mesure et céder aux lobbies des promoteurs immobiliers, n'est ce pas prendre le risque de compromettre les ambitions de la loi de 2005 et de prolonger l'entrave à la liberté de circuler des personnes à mobilité réduite ?

Une procédure malicieuse

Le 28 juin 2011, nouvel épisode qui, une fois encore, met le feu aux poudres. Sur proposition du député Paul Blanc, le Sénat a voté conforme deux alinéas (14 bis et ter) de l'article L. 111-7-1, du Code de la construction et de l'habitation qui prévoient la possibilité de « mesures de substitution pour les logements neufs destinés à l'occupation temporaire ou saisonnière (...) en cas d'impossibilité technique du fait de l'implantation du bâtiment, de l'activité qui y est exercée ou de sa destination (...), à condition que le maître d'ouvrage prouve l'impossibilité technique, que le nouveau décret soit soumis au CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées), que la souplesse accordée ne soit pas de portée générale, que la commission consultative de sécurité et d'accessibilité se prononce sur les mesures de substitution et que le préfet soit tenu par son avis ». De nombreux garde-fous qui n'ont pas réussi à rassurer les associations ! De son côté, la ministre des Solidarités, Roselyne Bachelot, a expliqué qu'il ne s'agissait « à aucun moment, d'exonérer un promoteur de ses obligations » et que ce sont des « mesures de substitution lorsque le promoteur sera en face de contraintes techniques insurmontables ».

Des bâtons dans les roues

Le plus déroutant, c'est la façon dont cet amendement a été présenté. Le texte soumis au vote des sénateurs et parlementaires portait sur le fonctionnement des MDPH mais, dissimulé au milieu, comme un message subliminal, on y a glissé ce paragraphe portant sur l'accessibilité. On appelle cela « noyer le poisson ». C'est alors le tôlé dans les associations. L'APF (Association des paralysés de France) prend la tête de la contestation et lance une campagne intitulée « Des bâtons dans les roues ». Deux visuels présentent une femme en fauteuil roulant, avec deux dates : « 2005. Loi qui décide qu'un bâtiment neuf doit être accessible aux personnes à mobilité réduite. 2011. Loi qui décide que pas forcément ». Une troisième image, figurant un fauteuil roulant avec un bâton fiché dans une roue, ironise : « Chers parlementaires et promoteurs immobiliers, merci ». La pétition a déjà reçu le soutien du CNH (Conseil national du handicap) et de l'UNAPEDA (Union nationale des associations de parents d'enfants déficients auditifs). Pour renforcer son action, l'APF publie, sur son site, la liste des parlementaires qui se sont engagés à défendre l'accessibilité universelle et à soutenir publiquement le respect des principes de l'accessibilité.

UMP contre UMP

Alors que la majorité UMP et Union centriste a voté en faveur de cet amendement, le mouvement Handi'Pop, pourtant issu de l'UMP, s'indigne à son tour et dénonce une « régression ». « Ce vote signifie que, demain, de nouvelles infrastructures pourraient être construites sans tenir compte de l'exigence d'accessibilité. Cette exclusion potentielle, nous ne pouvons l'accepter ! » Son président, Frédéric Bouscarle, en appelle à l'ensemble des parlementaires de la majorité pour entraver cette disposition. « Après plusieurs années d'effort continu de notre majorité, il est incompréhensible de valider ce retour en arrière ». Même son de cloche du côté de l'Apajh : « C'est la goutte qui fait déborder le vase. Le gouvernement revient sans cesse sur le consensus républicain. » Et d'en appeler à la mobilisation de tous les citoyens. Joint par téléphone, Jean-Marie Barbier, président de l'APF, s'indigne : « Le texte porte sur les logements temporaires. Mais comment considérer qu'un étudiant qui fait six ans d'étude est en situation « temporaire » ? » Pour neutraliser ce texte de loi, désormais entériné, l'APF propose une autre version : « la conception de produits, d'équipements, de programmes et de services qui puissent être utilisés par tous, dans toute la mesure du possible, sans nécessiter ni adaptation, ni conception spéciale ». Une nouvelle missive à destination de l'Elysée !

Plus d'infos:


Amendement en cause : www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2010-2011/cahiers/c20110123.asp#P354_62490

Pétition APF « Non à la dérogation » : www.desbatonsdanslesroues.org

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