Handicap & conduite : débat sur l'aptitude

Conduire lorsqu'on est handicapé, est-ce risqué ? La Sécurité routière s'est penchée sur la question dans le cadre d'une commission " Promotion des capacités de conduite ". Verdict en attente...

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Un jour, Jean-Marie Barbier, président de l'APF (Association des paralysés de France), lui-même handicapé, percute le véhicule devant lui qui vient de piler à un feu. Le conducteur sort de sa voiture et, voyant le responsable du choc, déclare, comme une évidence : « Ah oui, maintenant je comprends ! ». Femmes, jeunes, handicapés, vieux... Même combat ! Les personnes en perte d'autonomie sont-ils plus inaptes à la conduite que d'autres ? De l'avis de la Sécurité routière, une belle ineptie ! Les conducteurs handicapés ne sont pas plus accidentogènes que les autres.

Alcool et autres « menaces »...


C'est sur cette question que se penche la Commission de concertation « Promotion des capacités de conduite », lancée en 2010 par le Ministère de la santé, en partenariat avec l'Institut national de sécurité routière et de recherches (INSERR). Son travail porte sur certains comportements ou situations soupçonnés à risque, dans le but de promouvoir les possibilités de conduite de chacun tout en assurant la sécurité de tous. Faut-il s'étonner de voir le handicap au même rang que l'usage de drogues ou l'utilisation du téléphone portable au volant ? Sophie Fegueux, conseillère technique santé au sein de Délégation à la sécurité et à la circulation routières (DSCR) a présenté cette commission lors du colloque « Automobile et handicap » qui s'est tenu à Paris en septembre 2011.

Quatre groupes d'étude ont été définis et mis en place en avril 2011 :

1° - Produits psycho actifs (conduite sous l'emprise d'alcool ou de drogue)
2° - Handicap, situation pathologique et physiologique
3° - Organisation du système de l'aptitude médicale
4° - Téléphonie et autres distracteurs technologiques

Former les médecins agréés


Le groupe 2, piloté par un médecin expert et la DGS (Direction générale de la santé), avec la participation du CEREMH (Centre de ressources et d'innovation mobilité handicap), se penche donc sur l'impact du handicap sur la conduite. Plus largement, il étudie les conséquences de l'âge, des maladies chroniques, des troubles du sommeil... La mission de cette commission est également de conseiller les « médecins agréés pour le contrôle médical de l'aptitude à la conduite » (liste disponible auprès de chaque préfecture), qui assurent les visites médicales obligatoires ou volontaires suite à des problèmes de handicap ou de santé. Regroupés au sein de la SMACMAC, on en compte 4500 en France qui assurent 900 000 consultations par an. Un guide à leur intention est d'ailleurs en cours de rédaction pour leur permettre d'orienter correctement leurs patients. Car, aujourd'hui, bien peu connaissent les réglementations et normes en matière de conduite des personnes en situation de handicap. Face à ce constat, Sophie Fegueux insiste sur l'importance d'impliquer davantage les centres de rééducation fonctionnelle ou spécialisés qui pourraient venir en support des médecins du permis de conduire pour apporter leur expertise professionnelle du handicap.

Le groupe 3 « Organisation du système de l'aptitude médicale » a également un impact sur cette question puisque ses conclusions visent, à terme, à transférer les visites médicales obligatoires vers des médecins agréés en ville plutôt que d'obliger les conducteurs à se rendre en préfecture pour des sessions qui n'ont malheureusement lieu que quelques fois par an. Il vise donc à trouver des solutions pour améliorer l'évaluation et la qualité des recommandations.

Vieux et dangereux ?


Au delà de la question du handicap, cette conférence aborde le problème des conducteurs vieillissants ou atteints de troubles cognitifs. Il s'avère qu'il n'y a pas de surmortalité des personnes âgées au volant. Et contrairement au cliché qui veut que chacun de nous peste contre le « Pépé inconscient et grabataire dans sa Simca !, cette question n'apparaît pas comme un enjeu de sécurité routière, contrairement aux piétons âgés qui sont eux davantage victimes d'accidents. En 2009, plus d'un piéton tué sur deux avait plus de 65 ans ! Reste un dommage collatéral de la personne handicapée âgée : le fait que, au fil du temps, par manque de force, elle ne puisse plus opérer les transferts de son fauteuil roulant manuel vers le poste de conduite. Contrairement à la Suède qui a homologué un système d'arrimage d'un fauteuil manuel, après validation crash-test, aucun essai de ce type n'a été réalisé, ou en tout cas légalisé en France. Un problème auquel il convient de réfléchir pour ne pas laisser, à terme, les conducteurs handicapés, une fois de plus, sur le bas côté.

Car malgré le handicap ou la vieillesse, conduire est un sésame précieux. Jean-Marie Barbier en témoigne « Le seul endroit où je ne suis pas handicapé, c'est dans ma bagnole ! ». Malheureusement, les clichés ont la vie dure. Pour le prouver, laissons le mot de la fin à ses enfants... « Chaque fois que nous partons en vacances, je leur demande : « Vous préférez que ce soit Papa ou Maman qui conduise ? » Allez savoir pourquoi, je ne suis jamais choisi ! ».

www.securite-routiere.gouv.fr

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