Kazakhstan : le sport, seule évasion pour les handi ?

Au Kazakhstan, les handisportifs attendent les Jeux paralympiques avec impatience. Le sport leur permet de s'évader, dans un pays où l'accessibilité et l'inclusion ne sont pas des priorités. En attendant Tokyo, ils réclament du changement.

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Par Christopher Rickleton

Dans un gymnase d'Almaty, la plus grande ville du Kazakhstan, les frêles épaules d'Alina Solodukhina commencent à faiblir sous les 60 kilos de fonte que soulève cette championne paralympique, dont le pays reste à la traîne en matière d'intégration des personnes handicapées. Du haut de son 1,25 mètre, la jeune femme a commencé à pratiquer l'haltérophilie en 2017 et a déjà remporté une médaille de bronze aux Jeux asiatiques de 2018, en Indonésie. Ex république soviétique d'Asie centrale, son pays s'imagine grande puissance du sport paralympique et organisera, à l'été 2019, les championnats du monde de force athlétique.

Approche soviétique

A 25 ans, Alina y consacre "toute (sa) concentration" : l'événement peut lui permettre de se qualifier pour les Jeux paralympiques de Tokyo, en 2020. Mais elle aimerait aussi en profiter pour attirer l'attention sur les difficultés considérables que rencontrent les personnes handicapées dans son pays, malgré les ambitions affichées des autorités. "Ma condition ne m'empêche pas de faire ce que je veux. Mais pour les personnes en chaise roulante, la vie est beaucoup plus difficile", explique-t-elle après un entraînement. Le Kazakhstan a ratifié en 2015 la Convention relative aux droits des personnes handicapées et assure tout faire pour améliorer les conditions de vie et l'intégration des 600 000 personnes concernées dans ce pays de 18 millions d'habitants. Mais l'approche soviétique du handicap, qui consistait souvent à l'isoler du reste de la société, peine à disparaître dans ce pays indépendant depuis 1991. "Ne serait-ce que sortir de la maison est difficile", explique Jaslan Souleimenov, un militant kazakh, en fauteuil roulant.

Une capitale peu accessible

M. Souleimenov, qui réside dans la capitale -récemment rebaptisée Nour-Soultan, le prénom de l'ancien président Nazarbaïev-, assure être confronté à de nombreux obstacles. En 2009, il a été condamné pour extrémisme sur la base d'accusations qu'il conteste. Il a passé huit ans derrière les barreaux où il assure avoir été victime de torture et de mauvais traitements. Les conditions de détention étaient particulièrement "terribles" pour les prisonniers handicapés, ajoute-t-il. C'est ce qui l'a incité à militer, une fois libéré. En ville, la situation n'est guère encourageante : beaucoup de rues sont inaccessibles, sans parler des transports en commun… Impossible pour lui, par exemple, de rentrer avec son fauteuil dans un ascenseur situé près des locaux d'une association où il intervient. Après plusieurs essais infructueux, il est contraint de demander l'aide d'un passant, qui l'installe sur une chaise prêtée par l'association. Quitter le bâtiment, sa mission suivante, requiert une manœuvre de cinq minutes sur la glace qui tapisse les trottoirs de la ville au printemps.

Décision politique paradoxale

L'an passé, les autorités ont fièrement inauguré un centre d'entraînement pour athlètes handicapés à l'extérieur de la capitale, mais s'y rendre est très compliqué. "C'est de l'autre côté de la rivière", précise M. Souleimenov. Le Kazakhstan, un pays riche en hydrocarbures, mise sur le sport pour améliorer son image internationale et en 2016, l'ancien président Noursoultan Nazarbaïev a ordonné que les médaillés des Jeux paralympiques reçoivent la même récompense financière que ceux des JO. A 250 000 dollars la médaille d'or, ces primes peuvent changer la vie des sportifs. Paradoxe, l'allocation mensuelle aux personnes en situation de handicap, est minime, à peine supérieure à 100 euros.

Du progrès, maintenant !

En mars, Human rights watch a critiqué le Kazakhstan dans un rapport sur l'intégration des élèves en situation de handicap. "Seul une faible proportion d'enfants (...) a droit à une éducation de qualité dans une école traditionnelle", dénonce l'ONG. "Les enfants en situation de handicap vivant dans des institutions psycho-neurologiques reçoivent très peu ou pas du tout d'éducation", ajoute-t-elle. La situation est similaire dans l'éducation supérieure, où les universités restent "inadaptées" aux étudiants handicapés. Idem dans le monde du travail : quasiment aucun adulte handicapé ne travaille, assure Véniamine Alaïev, qui dirige la Commission des Droits des personnes handicapées, une ONG locale. "Nous avons un dialogue avec le gouvernement mais ce n'est pas assez", poursuit M. Alaïev, également conseiller du maire d'Almaty. "Nous ne voulons pas du progrès 'bientôt', ce qui pourrait être dans 50 ans. Nous le voulons maintenant".


© Photo d'illustration générale, Jeux paralympiques de Londres 2012

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